L’innovation alimentaire : un défi ou une réalité quotidienne ?
Article publié dans Les Marchés
L’adoption du règlement (UE) no 2015/2283 a assoupli la procédure d’autorisation des nouveaux aliments et mis en lumière l’importance de l’innovation comme un moteur de compétitivité, sans pour autant renoncer à un niveau élevé de sécurité alimentaire
Le concept de nouvel aliment, « novel food », fait désormais partie du vocabulaire courant des opérateurs de la chaîne alimentaire. Toutefois, ces derniers restent confrontés à certains défis, notammentpour déterminer le caractère nouveau ou non de leur ingrédient. Depuis 1997, ces « nouveaux aliments » sont
soumis à une procédure d’autorisation européenne (réactualisée en 2018). Ainsi, un aliment est considéré comme « nouveau » si, d’une part, la consommation humaine de cet aliment est restée négligeable au sein de l’UE avant le 15 mai 1997 et, d’autre part, s’il relève d’au moins une des dix catégories expressément décrites dans le règlement (UE) no 2015/2283.
Parmi ces catégories, on retrouve les denrées qui se composent de micro-organismes, de champignons ou d’algues, qui résultent d’un procédé de production qui n’était pas utilisé pour la production de denrées alimentaires avant ladite date, ou encore, qui se composent de nanomatériaux manufacturés.
Qu’entend-on par nouvel aliment ?
L’appréciation du caractère nouveau ou non d’un ingrédient incombe aux opérateurs alimentaires. Cela nécessite de procéder à une analyse, à la fois scientifique et réglementaire, du statut de l’ingrédient qui résultera d’un procédé appliqué à une matière première. Ainsi, si l’origine de l’ingrédient est, bien entendu, déterminante pour qualifier un aliment de « nouveau », le procédé de production constitue également un élément important de l’analyse, celui-ci, pouvant affecter les caractéristiques de l’ingrédient et le faire basculer dans la catégorie « nouveau ». La nuance est de taille. Selon le procédé utilisé, un même ingrédient pourra être placé librement sur le marché ou devra être autorisé par la Commission européenne, après une évaluation de son innocuité par l’Agence européenne de sécurité alimentaire.
Procédure d’autorisation
La fermentation constitue une bonne illustration de cette difficulté. Bien que cette technique constitue l’une des plus anciennes méthodes de traitement et de conservation des aliments, son utilisation – notamment lorsqu’il s’agit de fermentation de précision – peut avoir pour but ou résultat de modifier les propriétés organoleptiques ou nutritionnelles d’une matière première. Ces changements doivent être précisément évalués, afin de déterminer si l’ingrédient issu du procédé de fermentation tombe alors dans le champ d’application du règlement « novel food ».
A contrario, d’autres méthodes ne laissent planer aucun doute. Ainsi, le procédé de fabrication de la viande in vitro, obtenue en cultivant des cellules souches provenant d’un animal, n’échappera pas au dépôt d’un dossier « novel food » : personne n’a jamais mangé de steak fabriqué en laboratoire avant 1997.
Alors que la procédure d’autorisation des nouveaux aliments a longtemps été considérée comme un obstacle à l’innovation en raison de sa
longueur et de son incertitude, la procédure introduite par le règlement actuel est nettement plus efficace.
Ainsi, depuis le début de l’année, la Commission européenne a déjà autorisé la mise sur le marché de six nouveaux aliments : quatre nouvelles espèces d’insectes, ainsi qu’une protéine concentrée de lait de vache destinée à l’alimentation infantile et la noix de Pili, traditionnellement consommée aux Philippines en tant que denrée alimentaire.